25 octobre 2008

Du romanesque en particulier...











Historiquement, le romanesque naît vers le 17e siècle. IL est une tentative de relancer la machine narrative en ordonnant de petites aventures séquentielles, multipliant l'apparition de personnages fluctuants obéissants à une arithmétique d'équilibre sociétal. Le romanesque moderne s'inscrit dans la volonté de retourner à un réalisme social, version social démocrate du réalisme socialiste. Il ne s'agit plus de retranscrire dans la forme et le fond les énergies vitales des avant-garde à vocation historique et idéologique, mais au contraire de leur opposer une vision éthologique. De 1917 à 1930 , les avant gardes soviétiques, futuristes, constructivistes furent progressivement exterminées dans la lutte qui les opposaient au romanesque stalinien : retour au théâtre petit bourgeois ontologique, retour au classicisme pictural et plastique. Malaparte avait affirmé qu'Hitler était une femme, ce qui lui valut l'exil. Que voulait-il dire ? Sinon que le Tyran et ses représentations de propagande « androgyne », plait aux femmes et au peuple. Il ne s'agit pas, évidemment de la femme dans sa singularité, mais du principe féminin inventé par une certaine culture bourgeoise. Staline lui aussi était une midinette. Le romanesque populiste est une véritable idéologie« respirant l'amour et la mollesse », comme le disait Rousseau. Mais cette «mollesse» est aussi celle du «maître venu d'Allemagne» de Celan, ou du Portier de nuit de Liliana Cavana... Lorsque le chorégraphe Meyerhold fut exécuté d'une balle dans la nuque dans les caves de la Loubianka, c'est le romanesque qui tenait le révolver. Il ne s'agit pas d'exagération, Meyerhold a été assassiné pour laisser la place à une théâtre de boulevard... Il n'a pas été assassiné parce que Staline était très méchant... 

(Photo de l'arrestation de Meyerhold)

09 octobre 2008

Révolutions A et B










Dans mon texte du 10 mai 2008 ," La seconde révolution française ?", je posais la question du renversement des valeurs entre une période A et une période B :«Les causes différentes ne produisant pas les mêmes effets, Jonas Salk avait démontré que certaines valeurs considérées comme positives lors d'une période A, pouvaient devenir négatives lors d'une période B… Constatons que ce que nous considérons aujourd'hui comme des valeurs positives, ne sont peut être en fin de compte que de nouvelles valeurs négatives produisant des effets désastreux.»

Plongé dans l'actualité récente de l'effondrement du système financier dans ce qu'on appelle déjà la «Grande Crise», il apparait de plus en plus que ce phénomène de transition de phase est en marche... Le livre de Bruce Bégout « de la décence ordinaire» sur les théories de George Orwell, viennent affiner d'une manière singulière la critique sur la perte de légitimité des classes dirigeantes qui ont oublié l'importance fondamentale de la «décence ordinaire»... Il y a quelques années, les anciennes valeurs prédatrice de l'ambition personnelle, du profit et de l'absence de sens moral avaient déjà été analysé dans le roman « American Psycho» de Brett Easton Ellis. Et ce système financier, personnalisé par un psychopathe, n'est autre que la clé de voûte d'un système beaucoup plus vaste dont ce sont toutes les valeurs jadis dominantes qui deviennent obsolètes en période B.

Avec cette faillite du système du capitalisme mondialiste ( ne pas confondre avec le capitalisme), c'est la politique, l'éducation,la justice, la police etc... ainsi que tous les rapports sociaux qui sont remis en question. Tout se démaille, s'étiole alors que des trilliards de dollars et d'euros s'enfoncent dans l'obblivion et les trou noirs... Cette entropie déclenchée par les «cybernautes» du système devient même incompréhensible pour les plus brillants mathématiciens. On comprend cependant que ce phénomène est née d'une perversion et un détournement du capitalisme en manipulant les données, organisant la corruption, mais aussi par une volonté de puissance associée à l'appât du gain, le vol et le mensonge. 

Période A point final.

Une révolution survient quand une période A en décadence ne peut assurer sa survie qu'en asservissant davantage les hommes de la période B (Aristocratie/Peuple lors de la révolution française). Il s'ensuit une lutte, parfois violente entre une classe aux abois et la nouvelle société en gestation. Ainsi en Russie, de 1805 à 1917, la lutte des décembristes puis des socialistes révolutionnaires contre la Tsar, et la terrible répression symbolisée par la forteresse Pierre et Paul, aboutit finalement à la chute inéluctable du régime tsariste.

A l'heure actuelle les signes avant-coureurs d'une contre-réaction violente et coercitive déclenchée au nom d'intérêts supérieurs du pouvoir est déjà en place. Ainsi ,le 7 août 2008, le sommet du G4 annonça la fin de l'Europe, et la lutte pour la survie individuelle des entités qui la composent. Chacun affute ses armes pour survivre au monde et à ses propres citoyens...

Le temps de l'indécence extraordinaire est venue. Ainsi, n'oublions pas, quand l'Empire Aztèque fut confronté au nouveau monde des Conquistadores, qu'il s'empressa de sacrifier en masse ses propres sujets comme aujourd'hui nos dirigeants jettent des milliards d'euros dans des puits sans fonds... Les Aztèques sacrifièrent ainsi en trois jours 90 000 jeunes hommes et femmes. Des chaînes ininterrompues, abruties par la drogue, gravissaient ainsi les degrés des pyramides pendant que des prêtres recouverts de sang arrachaient à la chaîne les cœurs encore palpitants. Les corps étaient ensuite jetés sur les marches, le sang frais dégoulinant sur le sang noir séché. Des braséros aux fumées toxiques repoussaient dificilement l'énorme bourdonnement des mouches qui s'abattaient sur des corps recouverts de larves, pendant que des esclaves découpaient la chair des cadavres  frais pour nourrir le peuple en liesse. Jour et nuit, sans cesse, sous les hurlements, les cris et les tambours, les prêtres officiaient jusqu'à s'écrouler d'épuisement à moitié fous, bientôt remplacés par des équipes nouvelles.

Les conquistadores, et il serait temps de s'éloigner de la «légende noire» étaient des gens comme vous et moi. Aussi brutals, guerriers ou criminels qu'ils étaient , ils étaient aussi capable de « décence ordinaire» confrontés à un système devenu fou ! «Il y a des choses qui ne se font pas !». Le message de la décence ordinaire doit être relativisé car « ces choses se font...», il y a des voleurs, des assassins, des escrocs etc... Mais à un certain niveau de folie collective, même le maffioso italien Luky Luciano, confronté au fascisme pouvait dire « non !». Le condamné de droit commun confronté aux exactions nazies pouvait ainsi rejoindre la résistance... Comme le dit Bruce Bégout, « la «common decency» relève toujours d'une confiance de la grande majorité des gens dans leurs valeurs morales communes « sans avoir besoins de les associer à quelque croyance transcendantale».

Cette valeur simple, innée chez l'homme, ce sont aussi ces mots que l'on entend depuis plusieurs années dans la bouches d'ouvriers et d'ouvrières, confrontés à cette indécence extraordinaire des patrons et du système. Ces mots simples, violents parfois ( Enculé !), sont aussi vertigineusement abrupt dans leur description laconique d'une réalité complexe. Ce cri de la décence ordinaire nous renvoi toujours à cette injonction fondamentale : « il y a des choses qui ne se font pas!». La décence ordinaire, au delà de la logique, au delà des chiffres et de l'économie, est hors de la compréhension des dirigeants. C'est cette valeur qui est chaque jour bafouée, traînée dans la boue, comme les prêtres aztèques traînaient les hommes et les femmes vers la pierre du sacrifice.

La lutte entre la période A et B se confond ainsi avec le combat final entre l'indécence extraordinaire et la décence ordinaire : « Ces choses ne se font pas !» et ces quelques mots sont déjà une déclaration de guerre.