Deux spectres hantent l’Europe : La singapourrisation et le talibanisme de l’esprit. Qu’est-ce que la singapourrisation sinon le désir d’une société d’être façonnée sur le modèle d’un aéroport. Un ordre basé sur une régulation optimum des flux sociaux. Une organisation qui régule aussi bien la vente des cravates Hermès, les charters de vieillards, mais aussi le toucher rectal, et les discrètes lignes fantômes en direction de Guantanamo ou le delta du Danube. La singapourrisation est le modèle viral véhiculé par la mondialisation, elle agit comme le prion de la vache folle en passant les frontières et les barrières culturelles. La singapourrisation se comptabilise en indice hamburger, et en transferts de marchandises. Les politiciens de tous les pays rêvent d’un monde organisé selon le modèle d’un aéroport de la dernière génération. Selon le laboratoire de la ville du Lion, c’est-à-dire Singapour, cela est possible moyennant quelques aménagements comme une liberté d’expression limitée à sa plus simple expression. Dans le Disneyland avec la peine de mort, stigmatisé dans les années 1980 par William Gibson dans le magazine Wired, vous ne trouverez à lire ni Rimbaud, ni Lautreamont, ni Houellebecq, ni Dantec. A Singapour, le moindre rayon librairie d’un supermarché français est une officine révolutionnaire. C’est dire. A la différence de la Corée du Nord, qui est un modèle qui ne se diffuse pas, la singapourrisation, dont on ne parle jamais, s’installe par plaque, comme une varicelle géante. Ainsi, certaines villes, ou certains quartiers sont définitivement contaminés : caméras, présence policière chargée de réprimer les comportements « déviants », fichage de la population, nettoyage des zones « dangereuses », fermeture des débits de boissons et des boites de nuit, interdiction de fumer, couvre-feux, assistantes sociales et psychologues faisant offices de nouveaux chevaliers teutoniques. La construction du grand aéroport mondial se fait par expropriation et uniformisation. Un individu, selon le code de l’aviation civile, est un composé de 34 variables officielles, et d’un nombre inconnu de variables officieuses comme l’appartenance ethnique acquise par recoupement de ces 34 variables : nom, couleur des yeux, des cheveux, adresse des parents, etc... Les prochains passeports biométriques vont simplifier le problème, et s’il ne sera fait aucune mention à l’appartenance ethnique, l’ordinateur central, lui, saura très bien reconnaître un chinois ou un arabe. Science fiction ? Non. Singapour expérimente depuis peu une carte d’identité à puce qui signale aux bornes des immeubles quand vous entrez ou sortez. Quand le système sera généralisé dans les taxis, et dans certaines zones sensibles de la ville, les déplacements de la population pourront être simulés à la manière des sims... Alors, que craignez-vous ? La bombe atomique de la Corée du Nord, ou d’être pris pour des souris de laboratoire par des cons... Mais cela ne serait rien si cette mise en coupe concentrique de l’humanité n’était accompagnée d’un second phénomène qui agit au niveau individuel : la talibanisation des esprits. Si à force de tuer les talibans il ne reste qu’un taleb ( au singulier), cela ne nous met cependant pas à l’abri de la philosophie qu’ils ont véhiculée du côté de l’hindou Kouch. Le talibanisme de l’esprit, est cette affection qui touche les individus dans les choses les plus élémentaires de leur vie. Henry James l’avait déjà signalé à propos de la tyrannie domestique, de ce petit esprit pinailleur, hormoné aux bons sentiments et à une petite morale sociale, qui condamne l’écrivain, à n’être que ce que le talibanisme de l’esprit veut qu’il soit. C’est-à-dire rien d’autre qu’un petit vieillard qui transporte ses courses. Nous rencontrons tous les jours ces talibans nés de la singapourrisation de nos sociétés, ils sont dans nos familles, dans nos entreprises, dans nos ministères et dans nos médias, chez les politiciens. Ils forment l’avant garde du Grand Taleb Universel, un dieu suprême née de l’hybridation d’un Confucius et d’un fonctionnaire de Vichy ( l’interdiction de fumer date de cette époque...). Le signe de ce nouveau Dieu est un index levé. Comme le disait Cioran si Jesus avait été empalé à la place de la crucifiction, je ne vous parle pas du signe de croix... Ne cherchez pas, ils pratiquent déjà ce rituel à l’aéroport de Singapour. Le temps que la bombe coréenne arrive sur nos rives, cela fera longtemps que vous serez bien empalés sur les 34 variables de votre identité. Soyons optimistes, comme vous n’aurez de toute façon plus rien à lire et que les soirées de la capitale seront protégées par des contrôles ADN, vous serez bien contents de voir arriver les coréens et leur fat boy ! « Les morts vont vite » dit le poème de Bürger qui initie le Dracula de Bram Stocker. Et s’il n’y a que les morts pour s’opposer aux vivants, c’est que nous sommes déjà morts. Tant mieux.
10 octobre 2006
La singapourrisation et le talibanisme de l’esprit.
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8 commentaires:
bien joué Nanochevik. je mets immédiatement un lien vers cette page sur mon blog
http://bebereulnanar.blogspot.com/
Moi aussi j'ai mis un lien, http://miiraslimake.over-blog.com/article-3622808-6.html
C'est épouvantable ce que vous annoncez.
Toujours pire!
(au fait connaissez-vous le roman d'anticipation d'Ira Levine "Un bonheur insoutenable"? la réalité rejoint la fiction, avant de la dépasser!!)
oui, oui, vache folle etc ...
le front gastronomique est plus que jamais d'actualité. Defendons par ailleurs la soupe de coco citronelle au fruits de mer de singapour qui est eminement hors sujet.
http://www.slowfood.fr/
ils editent une tres jolie revue
oui, oui,
curieux ce rapprochement entre cannibalisme et talibanisme ... curieux mais hors sujet, je vais manger
;
Ouf, un petit vent frais ; merci d'exprimer avec autant de verve, cet étouffement que nous ressentons tous sans réussir à en définir la cause...
Great blog I enjoyed readding
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