02 avril 2007

Jean-Pierre Valette, Guido Keller et l'aéro-futurisme

















Belle tête chauve de futuriste ou constructiviste russe à la Rodchenko, Jean-Pierre Valette travaille sur le concept de « l’aérien ». Il réalise ainsi, ou disons plutôt, il rêve ses sculptures au gré de ses dérives entre la Science Fiction et le futurisme. Ses étranges constructions organiques de fer et de plâtre semblent issues d’une vie stratosphérique planant dans les océans gazeux de Jupiter. Jean-Pierre Valette doit avoir lu ses grands classiques de la S-F avec Sylverberg, P.K Dick et Franck Herbert, en s’essayant ainsi à la tentative d’émanticipation (entre anticipation et émancipation...) Il s’agit bien sûr d’un envol encore timide, mais qui détermine à la manière des premiers aéronautes, un désir de s’élancer vers le bleu du ciel, échappant aux monades urbaines et rêvant au plus oultre.

On voit ainsi chez Jean-Pierre Valette, une volonté de revenir aux premières expérimentations des futuristes avec l’avènement de l’aero-futurisme à la fin des années 1920. Mais cette tentative icarienne de l’art avait été abandonnée pour des considérations plus terriennes. L’art revenait sur terre. Seul en son temps le poète pilote Guido Keller avec l’association artistique du Futurblocco et le futuriste Azari, avait imaginé « la conquête du ciel » un spectacle-sculpture dynamique avec plus de 500 aéroplanes produisant leur propre musique avec leurs moteurs. Dans les années 1925, en phase avec les idées de Keller, le compositeur américain « bad boy of music » George Antheil composera son « ballet mécanique »(message to Mars) en utilisant des moteurs d’avions. Dans sa dernière tentative icarienne, Marinetti fait paraître le manifeste de l’aero-peinture futuriste en 1929, ou il s’agit de d’exalter « l’immense drame visuel et sensoriel du vol ». Mais tout ceci malgré les belles envolées poétiques, ne resta qu’une mise à plat picturale de la sensation, là ou Guido Keller rêvait de sculpter le ciel. Mais Keller était par définition un artiste sans œuvre, puisque toute construction imaginaire devait se délier et se déliter dans l’espace et ne jamais laisser de trace, car la vie ou plutôt le concept de « cité de vie » et celle du bal des ardents, était l’Art, cet espace, cette cathédrale en mouvement ou l’homme ivre qui tournoie sur une piste de danse, s’élève et va cogner sa tête de fer contre les mille points de lumière de la voûte du ciel.

L’utopie futuriste, emportée par les compromissions politique set l’abandon du modèle révolutionnaire, fit de l’aéro-peinture, une singulière étape, un sursaut vite étouffé, au sein d’un mouvement moribond. On se demande si le Guernica de Picasso ne fut pas le coup de grâce porté à l’aéro-peinture, mais aussi ce qui est plus grave, la négation de l’aéro-futurisme de Keller, et l’impossibilité après Picasso, de projeter l’art vers les étoiles...

L’art moderne s’est depuis longtemps ritualisé dans une conception terrienne et chtonienne qui conduit de Picasso jusqu’aux « émasculations artistiques » des actionnistes viennois. Pourtant, entre temps, quelques singuliers artistes ne suivront pas la voie Appia tracée par le génial peintre espagnol, et nous voyons Yves Klein qui se réapproprie le bleu du ciel de Bataille mais aussi l’idée d’un saut mystique dans le vide. Alors que l’artiste aviateur Joseph Beus, véritable épigone de l’idée kellerienne du rire et de l’envol, ouvre une porte, qui sera vite refermée par l’art contemporain. On lui préféra un art moins joyeux, plus galeriste, plus matérialiste avec le pop art, l’art vidéo et tous ses avatars ne s’élevant jamais au delà des pâquerettes. L’art contemporain, englué dans l’humus, est ainsi devenu une serre bourgeoise et réactionnaire, ou poussent de jolies orchidées industrielles, aussi obscènes que des bouquets de fleurs sous cellophane vendus en dollars.

Nous voudrions dès lors voir s’élever sous les volutes de fer et de verre des Grands Palais, des œuvres volantes, aériennes, papillonnant, et délivrant l’homme de la malédiction des bunkers et de l’attraction terrestre. Un art qui s’élève parmi les rêves de pierre des cathédrales, victoires de Samothrace volantes ou Jocondes gonflées à l’hélium, explosant dans la noosphère ou allant se perdre dans l’immensité du cosmos.






















perspective in flight - Fedele Azari-1926



Voir l'expo de Jean-Pierre Valette :

Galerie Artcore / Johan Tamer-Morael
40 rue de Richelieu
75001 Paris
T +33 1 47 03 09 60
E contact@artcore.fr
Jean Pierre vallette du 29 Mars au 27 Avril

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Silverberg, avec un "i" !