24 septembre 2007

FêtaBizot au musée d’art moderne et réflexion sur le Bizotisme

C’était la FêtaBizot au musée d’art moderne. Funérailles et godaille en musique avec buffet campagnard. En maîtres de cérémonie Bintou et RKK, garde rapprochée de feu Bizot, s’activent à présenter une compilation live de radio Nova aux accents africains avec en guest star Rachid Taha. Les compagnons de route de Bizot depuis l’aventure d’Actuel sont venus. Je remarque le fringuant Fredéric Taddéi, Moustic avec des chaussures zèbres, le mince Léon Mercadet et son T-shirt psychédélique, Castelbajac et sa carrure de lutteur, Wizman papillonnant et Edouard Baer avec qui je tape la discute sur les marches du palais. Il y a un absent de marque... Djamel n’est pas venu...

Dans les années 1990, on pouvait assister aux blagues facétieuses de Djamel Debbouze dans les bars du XIe arrondissement « Bonjour monsieur, vous n’auriez pas trouvé un bras ? » Et le trublion de repartir un grand sourire aux lèvres refaire le coup deux mètres plus loin. Ce soir, le petit Djamel ne viendra pas à la teuf à papa Bizot. L’oisillon est devenu Phaeton volant vers le soleil.

Le vieux mécène, lui, est définitivement parti vers ses « voyages improbables ». « Sur la route » comme il disait, lui qui rêvait de la » Beat Generation », et qui s’en réclamait parfois plus que du 68-tardisme.

Bizot hippie, mécène, mais aussi grande gueule autocrate, qui épuisait ses troupes dans les bouclages apocalyptiques de Nova Mag, lorsqu’il s’installa aux commandes après le départ de Patrick Zerbib. Les journalistes se souviendront certainement de ces nuits sans fond sous les hurlements du grand fauve. On pouvait les voir, ces journalistes, le soir du bouclage, blancs, hagards, épuisés, qui fonçaient comme un seul homme se saouler la gueule dans les troquets de la Bastille. Nova Mag c’était la journée de travail de 35 heures... Pourtant le résultat n’était pas à la hauteur de la tâche, et Nova Mag restera bien inférieur à Actuel... A tel point que le concept lui même était en totale opposition avec l’idée d’un temps long, presque Braudelien d’Actuel. Nova Mag était un journal de la mémoire flash, incapable dans sa forme zap, de défricher les racines de l’underground...

C’est peut être pour cette raison que Bizot se lança à corps perdu dans la radio, surfant sur la vague rose de Mitterrand, et cette libéralisation des ondes, mirage aux Alouettes. Jusqu’à la fin de sa vie, Bizot s’accrochait au mythe de la radio à la Papa... bataillant ferme pour avoir ses antennes de Lille à Marseille.

Quid d’internet ? Pourtant Bizot fut certainement le premier informé dès la fin des années 1980, avec les articles cyberpunks d’Ariel Wizman, remarquable défricheur de la modernité. Mais Bizot ne croyait pas à Internet. Ce n’était pas sa tasse de thé. Ce WWW conçu par des universitaires et des hackers issus des classes moyennes, était loin de l’idée qu’il se faisait du monde. Ce bidule de petits Blancs lui répugnait dans la forme et le fond.

Pour JFB, le monde passait par Tombouctou, Dakar, poussant parfois vers l’Est, la route de la soie. JFB avait cette double casquette des explorateurs du XIXe siècle, et du décolonisateur. Ambigüité profonde d’un homme qui se prenait à la fois pour Guillaume de Rubroek sur les terres du grand Khan, mais aussi le fils maudit de la colonisation. JFB incarnait le sanglot long de l’homme blanc, cette tache originelle qu’il fallait noircir et effacer en inversant le mythe de la colonisation. Pour JFB la catharsis et le salut de l’Occident passait par l’Afrique et toutes ces interzones ou naissent les cultures urbaines, villes perdues et ghettos.

C’est dans cette vision colonisatrice « à rebours » que se trouvaient la force et les limitations de l’homme. Pour le toucher, il fallait mieux venir des faubourgs de Soweto que de Nevers... Sa tolérance était en outre immense pour tout ce qui venait de loin... Son intolérance était totale pour le blanc-bec « On a déjà fait ça » . Combien se sont fait humilier et rejeter dans les cordes dès le premier round, par ce porte-parole d’une génération qui avait « tout fait ».

Il n’y avait pas de remise en cause possible, même si nous savons que cette génération 68, n’avait pas « tout fait », sauf prendre le pouvoir. Le mot est lâché, JFB était un homme de pouvoir dans tous les sens du terme, le pouvoir de l’argent, le pouvoir du baby boom, le pouvoir moral de la contre-culture, le pouvoir médiatique, et un pouvoir plus rare, le pouvoir prophétique.

Car JFB était un défricheur à l’affût d’un futur proche, d’ou son attirance pour le rap, le graffiti, les mouvements urbains. Mais cet amour du nouveau avait quelques inconvénients comme ces rappeurs invités à Radio Nova et qui faisaient les poches et les sacs des journalistes... Tolérance...Tolérance. Nova, c’était Candide au pays des home boys. Pendant des années NovaMagRad nous a ainsi vendu du bonheur à prix coûtant. Grande braderie sur les « je suis heureux et jeune et je m’éclate...».

Le personnage de Bizot à cependant une importance capitale dans le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui et l’espace médiatique de la hype, depuis la pub jusqu'à la télévision, est une émanation direct du Bizotisme. Nous comprenons bien cependant que ce « monde de Bizot » est bien loin de l’idée qu’il se faisait d’un état de grâce de l’underground, et finalement l’échec de 1968 rattrape JFB au crépuscule de sa vie. Sa dernière interview dans Chronicart montre d’ailleurs qu’il en en avait conscience, une conscience à en pleurer, tel ce vieux maître de Kung Fu, qui au moment de mourir, éclate en sanglot comprenant qu’il n’a plus de disciples pour maintenir son art... Les rappeurs et les zoukeurs sont repartis à Tombouctou ou à Détroit, quand aux « blancs-bec » ils se sont depuis longtemps évaporés, suicidés, ou révoltés contre le Bizotisme.

1972-2007

Voici la véritable date de naissance et la fin du bizotisme, épigone tenace d’un 68-tardisme de combat. 1972 fut l’année du choix, année décisive qui porte le germe de la défaite. Ainsi, en 1972 JFBizoT avait le choix entre Orange Mécanique de Kubrick et L’Herbe du Diable et la petite fumée de Castaneda. Il a choisit le second, le faux prophète de la Sainte Sandale. Erreur ? Peut être pas, il a fait une belle carrière sur les idées d’un couillon assez génial. Il nous laisse Kubrick. On prend.

2007. Notre année du choix ? Mais quel est le deuxième choix : Marie Darrieusecq ? Il s'agit de ne pas se tromper...



1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai rien lu sur le bizotisme dans la presse ?