15 novembre 2006

"Jacques Rigaut est vivant !", le film de Jean-Luc Bitton









Dans la vacuité infinie des images numériques qui survolent le monde
et qui disparaissent dans le gouffre de l’Oblivion, il est inespérée de découvrir des images qui construisent le futur. Le film de Jean-Luc Bitton sur la tombe du dadaïste Jacques Rigaut, fait parti de ces objets hybrides entre le cinéma de Méliès et les bombes des sapeurs de l’Argonne. Telles ces taupes à la mélinite qui creusent leurs galeries, et qui vous explosent à la gueule un beau matin d’hiver.

Jean-Luc Bitton reprend les grands thèmes de l’hommage aux morts, mais en changeant insidieusement les codes préétablis. On pense irrémédiablement, au premier abord, au granguignolesque de François Mitterrand au Panthéon avec sa rose à la main cherchant désespérément la tombe de Jean Moulin... C’est cependant un changement révolutionnaire dans la perspective qui donne au « théâtre de guerre » de Jean Luc Bitton, une saveur d’amande fraîche qui a le culot de renvoyer aux calendes grecques les mises en scènes de l’ancien monde.

Il ne s’agit plus d’un film de propagande mais d’un FPS- First Person Shooter. Une rose à la main, à moins que ce ne soit le pistolet d’ordonnance du Lieutenant Rigaut. C’est une vision subjective qui s’oppose au grand Barnum de la société du spectacle. C’est aussi une mise en abîme de l’oeuvre de Sergio Leone, père spirituel du FPS. La référence à Mon nom est Personne est évidente. Jean-Luc Bitton est Jacques Beauregard. Il passe devant la tombe de Guy Debord, comme Beauregard passait devant la tombe de Sam Pekinpah. Première borne du temps. Les vielles idoles reposent, homonymes, clones perdus, vrai faux Debord devenu fantôme de son propre Kriegspiel.

Voilà enfin la tombe de Jacques Rigaut « Rosenkreuz ». Monolithe noir perdu dans le mouroir du monde. Est-ce une pyramide Maya recouverte par la jungle et les fientes blanches des engoulevents? Il faut gratter la surface, arracher la croûtes des vieilles blessures. Un peu de graisse de tortue retient la poussière d’or du nom de Jacques Rigaut.

Puis soudain le monde s’éveille. L’hommage aux morts se transforme en hommage au Vivant. Voici venu le temps des noces alchimiques de Jacques Rigaut. Les nettoyeurs de tranchées viennent passer leurs lingues sur la tombe boueuse.

La rose se perd dans le miroir d’ébène. Jacques Rigaut est vivant. Dead Rising. Le ciel à la couleur IKB. C’est le flash lumineux de l’explosion d’une sape. Jean Luc Bitton est Jacques Beauregard est Jacques Rigaut est...
Ce n’est pas un film, c’est une réaction en chaine.

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