Hommage et respect au journaliste Christophe de Ponfilly qui vient de mourir à l'âge de 55 ans. Christophe avait été le premier occidental à faire un reportage sur le Commandant Massoud en s'infiltrant à travers les lignes soviétiques.
Christophe de Ponfilly est mort. Le Commandant Massoud est mort. La vie et la mort de ces deux hommes furent irrémédiablement liées par un destin commun. Le lion du Panshir et le jeune journaliste n’existent plus désormais que l’un par rapport à l’autre. Certains journalistes, dont BHL, avaient jadis accusés Christophe de Ponfilly d’avoir « fabriqué » la légende de Massoud. On pourrait tout aussi bien accuser Massoud d’avoir fabriqué Christophe de Ponfilly... Reconnaissons de toute façon que l’incompréhension entre Christophe et le monde du journalisme était totale. Il y avait chez lui un courage de poète soldat au fusil chronophotographique. Les films et les livres de Christophe n’étaient pas seulement des reportages, mais des prosopoème nostalgiques sur l’utopie, le désir d’un ailleurs et d’un monde dont on sent la fin inéluctable. Les films de Christophe sont tous emprunts d’une tristesse ineffable, tel cet enfant aux doigts arrachés par une mine antipersonnelle et dont le père à recouvert le moignon de boue pour arrêter l’hémorragie. C’est la guerre éternelle qui a fabriqué Massoud et Christophe, une guerre dont les premières images ne peuvent jamais s’effacer de la mémoire, des rêves et des cauchemars. Mais la guerre a ceci de terrible, qu’elle peut aussi faire ressortir ce qu’il y a de meilleur en l’homme. Christophe a témoigné avec son âme et son sang, du courage de ces montagnards du moyen âge face à l’Empire Soviétique et sa puissance monstrueuse. Il a vu sous ses yeux se construire une utopie islamo-spartiate avec la vallée du Panshir. Il a rencontré un commandant poète en la personne de Massoud. La rencontre n’était pas fortuite. Massoud était l’homme que Christophe aurait pu incarner dans une autre vie, quant au commandant, il aurait rêvé tenir une caméra et filmer un champ de blé dans la vallée du Panshir. Beaucoup de choses cependant séparaient les deux hommes, Christophe n’a ainsi jamais caché son horreur de la charia, l’impitoyable statut des femmes et la cruauté parfois gratuite de ces guerriers. Mais il ne jugeait jamais, il témoignait, intervenait et s’impliquait. Bien loin du journalisme diront certains... Ils ont raison, Christophe de Ponfilly était au delà du journalisme, c’était un combattant, le plus fidèle compagnon de Massoud, mais aussi le plus insoumis. Il avait vu l’admirable organisation de la vallée se déliter au fur et à mesure des victoires. Le modèle de la vallée des lions ne se diffusait pas à l’Afghanistan, mais c’est au contraire l’Afghanistan qui recouvrait la vallée : la corruption, le clientélisme et l’affairisme de la société afghane ont détruits le Panchir mieux que les bombardements soviétiques. Ce sont finalement les Afghans eux même qui allaient consommer le suicide de leur nation. Massoud et Christophe de Ponfilly étaient des hommes seuls. Massoud fut abandonné par tous face aux Talibans et à Bin Laden, par tous, sauf Christophe et ironie du sort, ses anciens ennemis soviétiques... Mais la bombe qui a tué Massoud a aussi déchiré le lien qui l’unissait à Christophe. On peut mettre de la boue pour arrêter une hémorragie, mais la gangrène, tapie dans l’ombre, attend son heure. Que reste-t-il en fin de compte ? Quelque chose qui ne peut mourir, le respect et l’amitié entre deux hommes d’exception. Christophe avait toujours refusé de mettre la main sur un arme, jusqu'à ce jour tragique ou il est mort une arme à la main...pour rejoindre ses compagnons. La fraternité des fidèles. Ikhuane al-safa.
1 commentaire:
Je me rappelle encore des documentaires de son cru, sur Massoud, dans les années 80, narrant la résistance afghane face à l'ours soviétique.
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